Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1994, 1 3 (4), 1053-1073
Les myiases d'importance économique
S.M. TOURÉ *
Résumé : L'inventaire simplifié des principaux diptères pouvant causer des
myiases est suivi de résumés sur la biologie, la pathologie induite et les moyens
de traitement et de lutte contre les myiases d'importance économique. La
cochliomyiase due à Cochliomyia hominivorax occupe la première place par la
pathologie et les pertes induites, Une brève chronique de l'infestation de la
Libye illustre le danger de ce parasite. D'autres myiases traumatiques
importantes sont décrites : celle due à Chrysomya bezziana qui est à l'origine
d'une myiase africaine apparentée à la cochliomyiase ; celles dues aussi à
Lucìlia cuprina et les espèces voisines. L'hypodermose et l'oestrose des animaux
domestiques causent encore des pertes économiques importantes qui justifient
leur prise en compte et la mise en oeuvre de moyens de lutte. Il en est de même du
parasitisme par les Gasterophilidae. L'étude de chaque myiase comporte
quelques notes sur les parasiticides jugés efficaces. Etant donné la rapidité avec
laquelle un parasite peut maintenant être transporté d'un continent à un autre, il
importe que les Services vétérinaires soient bien informés et restent vigilants.
MOTS-CLÉS : Biologie - Chrysomya bezziana - Cochliomyia hominivorax -
Cordylobia - Diptères - Economie - Eradication - Gasterophilus -
Hypoderma - Lucilia - Myiases - OEstres - Parasiticides - Parasitoses.
INTRODUCTION
Certaines espèces de diptères ont un comportement parasitaire durant leur stade
larvaire et se nourrissent de façon obligatoire, facultative ou occasionnelle à partir des
tissus ou des liquides cavitaires de vertébrés vivants, l'homme ou les animaux
domestiques ou sauvages (28). Il en résulte une infestation parasitaire désignée par le
terme de myiase. Les myiases peuvent être classées en fonction de la systématique des
diptères qui en sont la cause ou en fonction de l'activité des larves ou leur localisation
dans l'organisme, en distinguant par exemple des myiases par hématophagie, des
myiases traumatiques, cavitaires, nasopharyngées, entéritiques, urogénitales, etc.
Voir des larves de mouches sur un être vivant revêt un caractère répugnant ou
horrifiant car leur présence est par nature davantage liée à une décomposition
cadavérique ou à des pourritures.
Les myiases ont une grande importance économique et causent des pertes
considérables de production chez les animaux domestiques. Sur le plan biogéographique,
les mouches qui en sont responsables ont une très vaste distribution, s'étendant sur
plusieurs régions, ce qui rend nécessaire une vigilance de tous les instants à leur égard
pour éviter leur propagation et, à travers elles, celle d'épizooties dangereuses.
* Centre de recherche sur les trypanosomoses animales, Centre international de recherchedéveloppement
sur l'élevage en zone subhumide (CRTA/CIRDES), 01 B.P. 454, Bobo-Dioulasso 01,
Burkina Faso.
1054
Dans le Tableau I sont r é p e r t o r i é s les p r i n c i p a u x g e n r e s et les p r i n c i p a l e s espèces
d ' i m p o r t a n c e médicale et v é t é r i n a i r e de ces m o u c h e s ainsi q u e les d é n o m i n a t i o ns
courantes et le type de myiase provoquée. C'est l'ordre de présentation dans ce tableau
schématique qui sera suivi pour résumer l'importance des principales myiases (14, 22).
MYIASES DUES AUX CALLIPHORIDAE : MYIASE
TRAUMATIQUE DUE À COCHLIOMYIA HOMINIVORAX
Cochliomyia hominivorax ou lucilie b o u c h è r e (Fig. 1) est u n e m o u c h e dont la
femelle, p a r a s i t e o b l i g a t o i r e , d é p o s e ses oeufs dans les b l e s s u r e s et é c o r c h u r e s des
animaux à sang chaud ; l ' é c l o s i o n conduit à u n e myiase t r a u m a t i q u e d ' u n e extrême
gravité. Tous les animaux à sang chaud peuvent en ê t r e a t t e i n t s dans les pays o ù cette
mouche est endémique : actuellement de l ' A m é r i q u e centrale et des Caraïbes au nord
de l'Argentine et à l'Uruguay, c'est-à-dire les régions tropicales et subtropicales à climat
chaud et h u m i d e du N o u v e a u Monde. C e t t e d i s t r i b u t i o n g é o g r a p h i q u e est l i é e à la
biologie de la mouche qui n e p e u t survivre ni en climat froid ni en chaleur sèche. La
mouche a é t é éradiquée aux Etats-Unis d'Amérique, où elle causait de grandes pertes
au Texas ; l ' é r a d i c a t i o n est très avancée au Mexique. I n t r o d u i t e accidentellement en
Libye en 1988, la lucilie a é t é éradiquée après trois années de lutte.
La lucilie bouchère a été décrite à p a r t i r de cas humains de myiase observés en 1858
p a r C o q u e r e l dans un b a g n e de G u y a n e française ( l ' I l e du D i a b l e ) . C e r t a i n s des
prisonniers atteints succombèrent à l'infestation, les chairs rongées par les larves (d'où
Crédit photo : Département de l'Agriculture des Etats-Unis d'Amérique, et Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture
Fig. 1
Lucilie bouchère (Cochliomyia hominivorax) adulte mâle
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TABLEAU I
Inventaire simplifié des principaux diptères myiasigènes
Genre Espèce
Dénomination
courante
Type de myiase
provoquée
Calliphoridae
Cochliomyia
Chrysomya
Phormia
Lucilia
Calliphora
Auchmeromyia
Cordylobia
Sarcophagidae
Wohlfahrtia
Sarcophaga
OEstridae
Hypoderma
Oestrus
Cephalopina
Cuterebridae
Dermatobia
Gasterophilidae
Gasterophilus
Cochliomyia hominivorax Lucilie bouchère
Chrysomya bezziana
Phormia regina
Lucilia sericata
Lucilia cuprina
Calliphora spp.
Cordylobia
anthropophaga
Wohlfahrtia magnìfica
Wohlfahrtia vigil
Sarcophaga
haemorrhoidalis
Hypoderma bovis
Hypoderma lineatum
Hypoderma tarandi
Oestrus ovis
Cephalopina titillator
screwworm ou ver en vis
Lucilie africaine
African screwworm
Blow fly
Lucilies mouches vertes
Mouches vertes ou bleues
Blow flies
Auchmeromyia luteola Blow fly
Ver des cases
Ver du Cayor
Tumbu fly
Flesh flies
Mouches sarcophages
Varrons
Cattle grubs
Ox warble fly
OEstre
Nose botfly
Dermatobia hominis Neotropical warble fly
ou ver macaque
Gasterophilus intestinalis Horse botflies
Gasterophilus nasalis, etc.
Myiase traumatique grave
des animaux et de l'homme
Myiase traumatique
africaine
Myiases détriticoles
Myiases dermiques du
mouton
Myiases entéritiques
occasionnelles
Myiase traumatique du
mouton à laine
Myiases détriticoles
(larves pouvant être
avalées accidentellement)
Larves hématophages
rampantes
Myiase furonculeuse
Myiase traumatique
Myiases entéritiques et
myiases de plaies
Hypodermose ou
varron des Bovidés
Hypodermose des caribous
OEstrose des
ruminants
Furonculose larvaire
Gasterophilose des
Equidés
1056
le t e r m e hominivorax). La c o c h l i o m y i a s e d é s i g n e c e t t e affection p a r t i c u l i è r e m e nt
grave. Les synthèses les plus récentes sur c e t t e myiase sont dues à l ' O r g a n i s a t i o n des
Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) (16, 17, 18).
Le cycle biologique de C. hominivorax comporte, comme c'est le cas pour toutes les
Calliphoridae, u n e phase adulte suivie d e trois stades larvaires. Les oeufs pondus dans
les blessures éclosent rapidement, en l'espace de 24 h e u r e s , et donnent des larves très
voraces qui dévorent les tissus de la plaie et s'y enfoncent de plus en plus profondément.
Ces larves passent par trois stades successifs et, au b o u t de cinq j o u r s à u n e semaine,
quittent la plaie, tombent au sol et se transforment en pupes. La pupaison dure, suivant
la t e m p é r a t u r e extérieure, u n e à neuf semaines, au bout desquelles des mouches adultes
é m e r g e n t . Les femelles écloses p e u v e n t s ' a c c o u p l e r q u a n d elles sont âgées de deux
j o u r s et, q u a t r e j o u r s plus tard, commencent à p o n d r e à leur tour. D a n s les conditions
favorables, la d u r é e t o t a l e du cycle est de trois à q u a t r e semaines, p o u r u n e longévité
moyenne des a d u l t e s de l ' o r d r e de dix à q u a t o r z e j o u r s . La d u r é e du cycle s'allonge
quand la t e m p é r a t u r e baisse.
Les adultes, mâles et femelles, se nourrissent de sucs végétaux, de nectar et de pollen,
mais les femelles complètent leurs besoins en protéines à partir des plaies des animaux.
Chaque femelle s'accouple une fois dans sa vie et p o n d des oeufs en moyenne trois à
q u a t r e fois, à q u e l q u e s j o u r s d ' i n t e r v a l l e . La p o n t e n ' a lieu q u e si la t e m p é r a t u re
moyenne j o u r n a l i è r e est supérieure à 16 °C o u 18 °C. L e nombre d'oeufs pondus par jour
est de 200 en moyenne. Ce qui fait la gravité de la myiase parasitaire causée p a r la lucilie
bouchère, c'est le grand nombre et l'extrême voracité des larves qui éclosent dans une
p l a i e ; c'est aussi la r a p i d i t é avec l a q u e l l e le fléau p e u t se propager, car les mouches
adultes se d i s p e r s e n t activement : p a r leur vol, c e r t a i n s adultes ont p a r c o u r u j u s q u 'à
300 km durant leur existence.
Les larves de Cochliomyia déterminent une myiase traumatique, irritante, toxique et
i n f e c t i e u s e . D e g r a n d e s plaies m u t i l a n t e s p e u v e n t ê t r e o b s e r v é e s chez les individus
infestés et n e bénéficiant pas de soins (Fig. 2). Le point de départ de l'infestation peut
ê t r e u n e t o u t e p e t i t e lésion de la p e a u (point de fixation d'une tique, écorchure par des
épines o u du fil de fer barbelé) ou des blessures consécutives à des p r a t i q u e s de petite
chirurgie (castration, écornage) ou encore à des p r a t i q u e s zootechniques ( t o n t e de la
l a i n e , m a r q u a g e au feu, e t c . ) . Les n o u v e a u - n é s subissent s o u v e n t u n e i n f e s t a t i on
ombilicale (Fig. 3). Les plaies de la cochliomyiase sont caverneuses et circulaires et les
larves fixées en profondeur ne sont visibles le plus souvent que par sondage ; o n note, ce
faisant, une odeur putride et u n exsudat de couleur b r u n â t r e bien caractéristiques. Ces
plaies a t t i r e n t d ' a u t r e s lucilies b o u c h è r e s qui viennent y p o n d r e , mais aussi d ' a u t r es
mouches, e n t r a î n a n t ainsi u n e s u r i n f e s t a t i o n . E t a n t d o n n é la n a t u r e des lésions, les
infections bactériennes surajoutées sont courantes et conduisent à une septicémie dans
b i e n des cas, s u r t o u t chez les E q u i d é s et les p e t i t s r u m i n a n t s . D e s signes cliniques
fonctionnels peuvent être observés selon la localisation des blessures.
L'importance économique de la cochliomyiase r é s u l t e des p e r t e s directes dans les
c h e p t e l s ( p e r t e s de p r o d u c t i o n par m o r b i d i t é et m o r t a l i t é ) et des d é p e n s e s de
s u r v e i l l a n c e , t r a i t e m e n t , p r o p h y l a x i e et m e s u r e s q u a r a n t e n a i r e s . Les é t e n d u e s à
contrôler étant de plusieurs milliers de kilomètres carrés, on imagine aisément les coûts
qui s'y r a p p o r t e n t , chiffrés en millions de dollars. Avant son é r a d i c a t i o n au Texas, les
pertes causées par la lucilie bouchère étaient estimées à 300 millions de dollars pour ce
seul E t a t et le coût annuel des interventions se situait e n t r e cinq et dix dollars par t ê t e de
bétail. Les pertes par mortalité des nouveau-nés du fait des atteintes ombilicales et des
septicémies consécutives peuvent ê t r e particulièrement élevées (jusqu'à 90 %).
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Crédit photo : Département de l'Agriculture des Etats-Unis d'Amérique, et Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture
FIG. 2
Lésions de cochliomyiase sur un veau
Crédit photo : Département de l'Agriculture des Etats-Unis d'Amérique, et Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture
F i g . 3
Infestation ombilicale de larves de Cochliomyia hominivorax
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Le d i a g n o s t i c de c e t t e affection est fait p a r la mise en évidence dans les plaies de
larves de Cochliomyia hominivorax qu'on peut identifier a priori. La larve de troisième
stade, assez caractéristique, mesure en moyenne 15 m m de long et est de couleur crème
au d é b u t de sa f o r m a t i o n . E l l e laisse voir deux t r o n c s t r a c h é a u x de p i g m e n t a t i on
s o m b r e sur la face d o r s a l e p o s t é r i e u r e (Fig. 4). Il c o n v i e n t de f a i r e confirmer le
diagnostic p a r un laboratoire spécialisé.
Pour traiter la myiase individuellement sur u n animal, il faut utiliser des insecticides
pouvant d é t r u i r e efficacement les larves et les adultes de lucilie mais sans p r é s e n t e r de
danger pour les animaux et l'homme. L'application topique de p o u d r e de coumaphos à
5 % a j u s q u ' à présent donné d ' e x c e l l e n t s r é s u l t a t s (Fig. 5). Il s'agit d'un
organophosphoré (sous forme de sachets de 5 g de p o u d r e mouillable à 5 % de produit
actif). Le produit est utilisé tel quel et abondamment dans les plaies. L o r s q u e celles-ci
sont assez profondes, il convient d'utiliser un mélange huileux à p r é p a r e r : u n demi-litre
d'huile (une huile de table p e u coûteuse) pour 75 g de p o u d r e , soit 15 p e t i t s sachets de
5 g d e coumaphos commercial. Le mélange est appliqué dans les blessures caverneuses à
l'aide d ' u n pinceau large, e n badigeonnant la blessure e n profondeur. Ce traitement doit
ê t r e r e n o u v e l é tous les trois j o u r s j u s q u ' à la cicatrisation. D a n s les régions t o u c h é e s,
t o u s les a n i m a u x de t o u t e s espèces d o i v e n t faire l'objet d ' i n s p e c t i o n r é g u l i è r e pour
traiter les individus présentant des plaies, infestées ou non.
O u t r e le c o u m a p h o s , d ' a u t r e s p r o d u i t s insecticides o r g a n o p h o s p h o r é s sont
utilisables, tels q u e le chlorfenvinphos, le b r o m o p h o s et le fenthion. Il convient, dans
t o u s les cas, de r e s p e c t e r les n o r m e s d ' u t i l i s a t i o n des p e s t i c i d e s et d e p r e n d r e les
précautions d'hygiène généralement recommandées.
B) détails de la partie postérieure montrant les troncs trachéaux à pigmentation sombre
FIG. 4
Troisième stade larvaire de Cochliomyia hominivorax
(18)
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Crédit photo : Département de l'Agriculture des Etats-Unis d'Amérique, et Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture
Fig. 5
Traitement des myiases par le coumaphos
Pour l i m i t e r les i n f e s t a t i o n s , on t r a i t e des t r o u p e a u x e n t i e r s p a r b a l n é a t i o n ou
aspersion d'insecticide, c e t t e deuxième m o d a l i t é étant p r é f é r a b l e par climat chaud et
sec. Le bain, l o r s q u ' i l est réalisable, est cependant plus efficace pour toucher t o u t e s les
p a r t i e s du c o r p s . Le t r a i t e m e n t collectif fait p a r t i e des m e s u r e s p r é v e n t i v e s pour
empêcher l ' e x t e n s i o n de foyers. O n utilise aussi le c o u m a p h o s , à d i l u e r à 0,25 % en
faisant u n calcul précis de dilution du produit commercial disponible.
Les m e s u r e s p r é v e n t i v e s de l u t t e o n t é t é codifiées à p a r t i r d e s i t u a t i o n s vécues et
bien résumées dans les manuels de l u t t e contre la lucilie b o u c h è r e diffusés par la FAO
(16, 18). Il faut surtout :
- examiner à f o n d et f r é q u e m m e n t tous les a n i m a u x , y c o m p r i s les a n i m a u x de
compagnie ;
- rechercher dans t o u t e s les blessures les oeufs et les larves de mouche ;
- traiter immédiatement par u n insecticide recommandé les blessures infestées ;
- envoyer les échantillons de larves prélevés à l'organisme chargé de l'identification
parasitaire ;
- signaler i m m é d i a t e m e n t à u n r e s p o n s a b l e des Services v é t é r i n a i r e s t o u te
infestation suspecte ;
1060
- ne pas f a i r e e n t r e r ni s o r t i r d ' a n i m a u x de la z o n e i n f e s t é e sans l ' a c c o r d et la
surveillance des Services vétérinaires ;
- recommander aux propriétaires d'animaux d'éviter à leurs bêtes t o u t e blessure ou
risque de blessure.
L'application de mesures quarantenaires contribue à juguler le risque de propagation
de la cochliomyiase d ' u n e zone infestée vers des zones indemnes. Il faut donc surveiller
tous les modes possibles de déplacement de tous les animaux domestiques ou sauvages.
Des p o s t e s de c o n t r ô l e , aussi n o m b r e u x que n é c e s s a i r e , d o i v e n t ê t r e i n s t a l l é s à la
périphérie du foyer. Les entrées et sorties d'animaux ne doivent être autorisées q u ' à ces
postes, c h a q u e animal étant examiné de près par les agents des Services v é t é r i n a i r e s,
p r é a l a b l e m e n t à t o u t e a u t o r i s a t i o n . S'il s'agit de t r a n s p o r t p a r véhicule, les animaux
doivent ê t r e déchargés et examinés un par un. Plusieurs mesures doivent encore ê t re
appliquées, notamment : le traitement immédiat et la mise en quarantaine des animaux
i n f e s t é s j u s q u ' à l e u r g u é r i s o n ; la p u l v é r i s a t i o n d ' i n s e c t i c i d e ou la b a l n é a t i o n des
animaux apparemment indemnes, à l ' e n t r é e comme à la sortie ; la pulvérisation du ou
des véhicules de transport.
Les pays infestés par la lucilie b o u c h è r e devraient p r e n d r e les mesures nécessaires
pour veiller à ce que les animaux soient exempts de parasites avant t o u t e exportation.
Les pays qui i m p o r t e n t des animaux vivants en p r o v e n a n c e de pays reconnus infestés
devraient assurer la mise en q u a r a n t a i n e , l'inspection et le t r a i t e m e n t de ces animaux
pour éviter l'introduction de la maladie.
L'éradication est o b t e n u e p a r la technique du mâle stérile (TMS), qui r e p o s e sur le
fait que la femelle ne s'accouple q u ' u n e fois dans sa vie et garde de ses spermathèques
une semence qui, l o r s q u ' e l l e a é t é altérée (en provenance de mâles stérilisés), n e permet
aucune descendance. La lucilie b o u c h è r e peut ê t r e élevée par millions, et lorsque des
mâles sont stérilisés et relâchés dans un foyer infesté, ceux-ci e n t r e n t en compétition
avec leurs congénères du milieu. U n e femelle de ce foyer qui s'accouple avec u n mâle
stérilisé ne d o n n e donc pas d e descendants. La technique de lâcher des mâles stérilisés
est à p r a t i q u e r en fonction des fluctuations saisonnières, au moment où la p o p u l a t i on
n a t u r e l l e de mouches à c o m b a t t r e est la plus basse. C'est à c e t t e période q u ' o n inonde
c e t t e p o p u l a t i o n avec d e s m o u c h e s s t é r i l e s : il faut dix mâles s t é r i l e s p o u r un mâle
sauvage, soit 700 à 2 500 mouches par k i l o m è t r e carré et p a r semaine, en fonction des
situations.
Un seul é t a b l i s s e m e n t au m o n d e p r o d u i t des lucilies. Il s'agit de l ' u s i n e de Tuxtla
G u t i e r r e z , dans la province de Chiapas, au Mexique, e n t r e p r i s e pouvant p r o d u i r e des
c e n t a i n e s de millions de m o u c h e s p a r s e m a i n e p o u r les b e s o i n s des campagnes
américaines d'éradication. Le lâcher p a r avion d e mâles stérilisés, à intervalles réguliers,
finit p a r avoir r a i s o n d e l ' é p i z o o t i e . C e t t e t e c h n i q u e de l u t t e p a r mâle s t é r i l e a é té
appliquée avec succès en Amérique, dans les Iles de Curaçao, à P o r t o Rico, en Floride,
au Texas et a u M e x i q u e , et p l u s r é c e m m e n t en A f r i q u e du N o r d , A u m o m e n t de la
c a m p a g n e en L i b y e , la p r o d u c t i o n de T u x t l a é t a i t d e 140 m i l l i o n s de m o u c h e s par
semaine, nombre augmenté de 100 a u t r e s millions pour satisfaire les besoins en Afrique
du Nord où l'introduction de la lucilie bouchère a généré les plus grandes craintes mais
aussi e n t r a î n é des réactions immédiates. Il convient d'en faire la chronique.
1061
CHRONIQUE DE L'INFESTATION DE LA LIBYE PAR LA
LUCILIE BOUCHÈRE
C'est dans u n e l e t t r e du 28 j a n v i e r 1989 q u e fut r e l a t é e l ' a p p a r i t i o n en Libye de la
lucilie b o u c h è r e (5). Les premiers spécimens de larves avaient é t é récoltés en mars 1988,
à Hadba, à dix kilomètres au sud de Tripoli, après que de nombreux éleveurs se furent
p l a i n t s , d e p u i s le d é b u t de la m ê m e a n n é e , d ' u n e myiase j u s q u ' a l o r s i n c o n n u e . La
propagation de la maladie fut ensuite très rapide, touchant plusieurs espèces d'animaux
domestiques et quelques enfants.
L'apparition de la lucilie b o u c h è r e en Afrique du N o r d ne pouvait q u ' e n t r a î n e r des
r é a c t i o n s i n s t a n t a n é e s de p o l i t i q u e de l u t t e et de p r é v e n t i o n . D è s q u e la F A O fut
informée des p r e m i e r s cas survenus en Libye, elle d é p ê c h a dans ce pays u n e mission
(dont l ' a u t e u r du présent travail) p o u r y é t u d i e r la s i t u a t i o n . C e t t e mission permit de
confirmer que la myiase à Cochliomyia hominivorax s'était propagée autour de Tripoli
durant l ' é t é et l ' a u t o m n e de 1988 ; d e s cas é t a i e n t signalés j u s q u ' à 80 k m à l ' e s t de
Tripoli ( K h o m s ) et à 100 km à l ' o u e s t ( Z u w a r a h ) , p r i n c i p a l e m e n t o b s e r v é s sur des
moutons, des vaches, des veaux, des dromadaires, des chiens, des chevaux ainsi q u e chez
l'homme. D ' a u t r e s missions, d é p ê c h é e s en A l g é r i e , en E g y p t e et e n Tunisie, avaient
montré que le p a r a s i t e n e s'était heureusement pas p r o p a g é hors de la Libye.
La FAO c o n v o q u a sans délai p l u s i e u r s r é u n i o n s p o u r f o r m u l e r une s t r a t é g ie
régionale et des projets de l u t t e et d ' é r a d i c a t i o n de la lucilie b o u c h è r e en Afrique du
Nord. A u printemps 1990, l'infestation avait progressé pour a t t e i n d r e près de 3 000 cas.
Le Projet S E C N A (Screwworm Emergency Centre for North Africa ou C e n t re
d ' i n t e r v e n t i o n s d ' u r g e n c e c o n t r e la lucilie b o u c h è r e en A f r i q u e du N o r d ) fut créé le
15 j u i n 1990. La z o n e cible s ' é t a l a i t sur la c ô t e m é d i t e r r a n é e n n e d a n s un r a y o n de
150 km de p a r t et d ' a u t r e de T r i p o l i et u n e p r o f o n d e u r de 100 km vers le sud, soit
environ 30 000 km2 . Par précaution le programme de l u t t e devait p o r t e r sur 40 000 km2 ,
en prévoyant des zones tampon à la p é r i p h é r i e du foyer.
Grâce à l'assistance de la communauté i n t e r n a t i o n a l e , l'application de la TMS a été
un succès dès le début. Des millions de mouches, à l ' é t a t de pupes à différents stades de
maturation, sont livrées par avion e n p r o v e n a n c e du Mexique, c h a q u e semaine, p o ur
être lâchées dans le foyer.
Par voie a é r i e n n e , plusieurs millions de mouches i r r a d i é e s ont é t é lâchées chaque
semaine ( j u s q u ' à 40 m i l l i o n s ) p o u r o b t e n i r au moins 1 000 m o u c h e s s t é r i l e s p ar
kilomètre carré de t e r r i t o i r e infesté. Le n o m b r e de cas de myiase à Cochliomyia a alors
r a p i d e m e n t d i m i n u é et le d e r n i e r a é t é o b s e r v é en avril 1991, a p r è s q u a t r e mois
seulement de campagne de l u t t e p a r la TMS.
De 1990 à 1992, l ' a d d i t i o n des i n s p e c t i o n s faites m e n s u e l l e m e n t dans t o u t e s les
provinces de Libye d o n n e plus de 67 millions d ' o b s e r v a t i o n s , les m ê m e s t r o u p e a ux
ayant é t é visités p l u s i e u r s fois. Ce travail a é t é r é a l i s é p a r 94 à 109 é q u i p e s formées
chacune de deux assistants vétérinaires et encadrées par 21 contrôleurs provinciaux.
En 1990, 16,2 millions d'inspections d'animaux avaient permis de déceler 12 557 cas
de myiase dont 12 068 (96 %) se r a p p o r t a n t à C. hominivorax, le r e s t e é t a n t dû à des
larves d ' a u t r e s espèces de mouches. E n 1991, les mesures conjuguées de l u t t e avaient
conduit à u n e baisse de l'infestation : sur 1 028 récoltes, seuls six cas de myiase à lucilie
avaient é t é observés.
1062
A la p é r i p h é r i e du foyer et sur les p r i n c i p a l e s r o u t e s de t r a n s p o r t d ' a n i m a ux
desservant la zone infestée, avaient été installés onze postes fixes de contrôle sanitaire
et de q u a r a n t a i n e et deux postes mobiles. Des fiches de c o n t r ô l e de m o u v e m e n t des
animaux étaient remplies chaque jour, puis centralisées chaque semaine à la Direction
du P r o j e t . Les cas positifs é t a i e n t signalés sans délai et les l a r v e s a p p o r t é e s au
l a b o r a t o i r e p o u r i d e n t i f i c a t i o n formelle, puis e n v o y é e s , le cas é c h é a n t , au British
Museum (Natural History), choisi comme laboratoire de référence.
Tous les a n i m a u x q u i t t a n t la z o n e i n f e s t é e é t a i e n t p u l v é r i s é s ou b a i g n é s à t i t re
prophylactique avec une dilution de coumaphos à 0,25 %.
Ces mesures ont é t é maintenues bien après la disparition virtuelle de la lucilie. De
mai à décembre 1992, les r a p p o r t s ont fait état d'environ 342 000 inspections d'animaux
et 1285 blessures traitées.
La surveillance aux frontières et les mesures préventives ont été étendues à tous les
pays l i m i t r o p h e s de la Libye, c o n s i d é r é s comme les plus menacés (Tunisie, A l g é r i e,
Egypte, Tchad, Niger, Soudan). E n septembre 1990, l'infestation était aux p o r t e s de la
Tunisie (cas observés à 20-40 km de la f r o n t i è r e ) . L'inspection diligente de plusieurs
millions d'animaux et les mesures quarantenaires prises en Tunisie, notamment dans les
Gouvernorats de Médénine, Tataouine et Tozeur, ont permis de b a r r e r la r o u t e au fléau.
En E g y p t e , t o u s les v é t é r i n a i r e s des services publics (environ 10 000 agents) ont été
mobilisés au n i v e a u des 1 400 cliniques v é t é r i n a i r e s de l ' E t a t . Les a c t i v i t é s de
surveillance et de q u a r a n t a i n e ont particulièrement été renforcées au nord et à l'ouest
du pays : M a t r o u h , Siwa, Dakhla, El-Alamein, Le Caire. U n Comité de l u t t e c o n t r e la
lucilie a é t é institué et les Forces armées mises à contribution pour empêcher le passage
c l a n d e s t i n d ' a n i m a u x à la f r o n t i è r e o c c i d e n t a l e . D a n s les z o n e s à r i s q u e , p l u s i e u rs
centaines de milliers d'animaux ont été inspectés, heureusement sans jamais trouver de
myiase à lucilie.
Au Tchad, les Services v é t é r i n a i r e s ont pu surveiller, en 1990, e n v i r o n 4,5 millions
d ' a n i m a u x et ont t r a i t é 4 535 b l e s s u r e s . Les myiases c o n s t a t é e s sur 85 a n i m a u x se
rapportent à Chrysomya bezziana, C. megacephala, Sarcophaga spp. o u Lucilia spp. Au
Niger, la s u r v e i l l a n c e a p o r t é p r i n c i p a l e m e n t sur les P r o v i n c e s de T a h o u a , A g a d è s,
Zinder et Diffa. Les myiases observées pendant les campagnes de vaccination de 1990
étaient dues à des larves de Chrysomya, Sarcophaga, Lucilia, Calliphora, Wohlfahrtia.
Malgré les grandes précautions prises à la p é r i p h é r i e du foyer et aux frontières des
pays m e n a c é s , il y avait des r i s q u e s de p r o p a g a t i o n , liés a u n o m a d i s m e , à la faune
sauvage et aux mouvements de population. La campagne diligente d'éradication n ' a pas
l a i s s é à la lucilie b o u c h è r e la p o s s i b i l i t é de s ' é t a b l i r plus au Sud, où, n o t o n s - l e au
passage, le climat aride est p e u favorable à la mouche. Le scénario le plus vraisemblable
pour sa p r o p a g a t i o n en A f r i q u e n o i r e p o u v a i t ê t r e le p a s s a g e p a r l ' E g y p t e , puis le
cheminement par la vallée du Nil, p o u r a t t e i n d r e e n s u i t e d ' a u t r e s pays. La mouche
aurait trouvé un environnement propice dans la plupart des pays d'Afrique tropicale où
elle aurait décimé les cheptels d'animaux domestiques et sauvages.
Tout est bien qui finit bien. La lucilie bouchère a é t é éradiquée en Libye. Le dernier
cas positif de myiase a é t é o b s e r v é , d ' a p r è s les n o t e s d e l ' a u t e u r , le 5 avril 1991. Le
15 o c t o b r e 1991, les o p é r a t i o n s de d i s t r i b u t i o n a é r i e n n e de mouches stériles ont été
a r r ê t é e s . L ' é r a d i c a t i o n fut officiellement proclamée le 22 j u i n 1992 (10). Mais il faut
rester vigilant, maintenant que les avions m e t t e n t les continents à quelques heures les
uns des autres.
1063
A t i t re indicatif, la F AO cite quelques exemples de la façon dont la lucilie b o u c h è r e a
été i n t r o d u i t e dans des pays e x e m p t s de la m a l a d i e par l ' i m p o r t a t i o n d ' a n i m a ux
infestés : e n 1982, o b s e r v a t i o n à Paris (France) sur u n chien provenant du Brésil d'une
otite externe avec plusieurs larves d e Cochliomyia ; e n 1987, i n t r o d u c t i o n d'un chien de
chasse du H o n d u r a s aux Etats-Unis ; e n 1988, u n cheval d ' A r g e n t i n e aux E t a t s - U n i s et
un ovin d ' A m é r i q u e latine en Libye ; e n 1989, u n cheval du Venezuela à P o r t o Rico et
des bovins du P a n a m a au M e x i q u e ; e n 1990, u n ê t r e h u m a i n du P a n a m a aux E t a t s -
Unis ; en 1992, des bovins d ' A m é r i q u e centrale au Mexique et u n ê t r e humain du Brésil
• en Nouvelle-Zélande et en Australie.
C'est donc t o u t l o g i q u e m e n t que, sur r e c o m m a n d a t i o n de la FAO, l'Office
international des épizooties ( O I E ) , lors de sa Session générale de mai 1989, a ajouté la
myiase à Cochliomyia hominivorax à la Liste B des maladies à déclarer obligatoirement.
En s e p t e m b r e 1990 ont été a d o p t é s les r e m a n i e m e n t s du Code zoo-sanitaire
international de l ' O I E quant aux mesures à p r e n d r e pour l'importation et l'exportation
d'animaux pouvant propager la lucilie bouchère (13, 17).
AUTRES MYIASES DUES AUX CALLIPHORIDAE ET
SARCOPHAGIDAE
Les plaies des r u m i n a n t s d o m e s t i q u e s ou sauvages p e u v e n t ê t r e infestées par des
larves de d i p t è r e s a u t r e s q u e Cochliomyia. Deux espèces ont u n e i m p o r t a n c e comme
agents de myiases t r a u m a t i q u e s : Chrysomya bezziana (que certains auteurs qualifient
de African screwworm ou lucilie bouchère africaine) et Wohlfahrtia magnifica, présente
en Afrique du Nord.
La myiase traumatique à Chrysomya bezziana
La myiase t r a u m a t i q u e à Chrysomya bezziana est d i s t r i b u é e en z o n e t r o p i c a l e : en
Afrique s u b s a h a r i e n n e j u s q u ' a u Transvaal et au N a t a l , en A s i e (Taïwan, Philippines,
P a p o u a s i e ) ; e l l e est s i g n a l é e aussi dans le Golfe p e r s i q u e et a é t é i n t r o d u i t e en
Amérique du Sud. Les larves de cette mouche sont des parasites obligatoires de plaies,
tout comme la lucilie b o u c h è r e américaine. Les femelles p o n d e n t 150 à 200 oeufs dans
les blessures. La p a r t i e larvaire du cycle de développement dure cinq à six j o u r s pendant
lesquels les larves délabrent les tissus et s'enfoncent profondément. La pupaison au sol
dure sept à neuf j o u r s p a r temps chaud. C. bezziana a aussi u n e p r é d i l e c t i o n p o u r la
région ombilicale des a n i m a u x n o u v e a u - n é s ; d e même, l ' e s p è c e p o n d au n i v e a u des
orifices naturels des animaux : r é g i o n anogénitale, narines, conduit auditif ; l'infestation
des oreilles de bovins par d e s tiques peut également conduire à u n e myiase auriculaire
par C. bezziana.
Plusieurs a u t r e s espèce s de Chrysomya peuvent p o n d r e s e c o n d a i r e m e n t sur des
blessures déjà infestées mais elles sont avant tout stercoraires et détriticoles.
Wohlfahrtia magnifica
Wohlfahrtia magnifica entraîne aussi u n e myiase traumatique. L'espèce est distribuée
principalement en A f r i q u e du N o r d . Ses l a r v e s , p a r a s i t e s o b l i g a t o i r e s , p e u v e n t ê t re
pondues au n i v e a u des orifices n a t u r e l s . D e s cas h u m a i n s de myiase sont souvent
rapportés, e n plus des animaux (les ruminants domestiques y compris le dromadaire, le
chien, la volaille, etc.). U n e a u t r e espèce myiasigène, Wohlfahrtia nuba, a une
distribution en zone aride et semi-aride, du Sénégal au Pakistan.
1064
Pour lutter contre les myiases à Chrysomya et à Wohlfahrtia, les mêmes insecticides
que pour la lucilie américaine sont utilisables.
Il convient enfin de mentionner le rôle important j o u é par Lucilia sericata, L. cuprina
et Phormia regina dans les r é g i o n s d ' é l e v a g e de m o u t o n s à l a i n e . D a n s différentes
régions à travers le monde, lorsque l'hygiène est défectueuse, ces mouches sont attirées
par les animaux souillés de fèces ou d'urine. Les femelles pondent alors sur les toisons et
les larves écloses lacèrent la p e a u dès leur premier stade ou au second stade. La poitrine,
les p a t t e s , la queue sont souvent atteintes, de même que la t ê t e chez les béliers écornés.
Le t r a i t e m e n t consiste d ' a b o r d à t o n d r e p a r t i e l l e m e n t les m o u t o n s et les b a i g n e r ou
d o u c h e r au c o u m a p h o s à 0,06 % ou avec tout a u t r e o r g a n o p h o s p h o r é autorisé.
L'application d'une solution insecticide sous h a u t e pression permet d'atténuer la barrière
constituée par la toison et de t r a i t e r la peau, ce qui confère une protection de six à huit
semaines (12). E n Australie u n traitement insecticide précoce, effectué sur les animaux
en hiver ou au printemps, permet de réduire la prévalence de la myiase à L. cuprina (11).
Cordylobia anthropophaga
Cordylobia anthropophaga est une mouche b r u n j a u n â t r e , d ' e n v i r o n 10 mm, qui a
une v a s t e d i s t r i b u t i o n en A f r i q u e du N o r d , en Afrique t r o p i c a l e aride ou h u m i d e et
même en A r a b i e (15). C e t t e mouche est à l ' o r i g i n e d ' u n e myiase f u r o n c u l e u se
rencontrée chez les animaux domestiques ou sauvages et chez l'homme. Le parasite est
fréquemment observé sur le chien (
, occasionnellement sur les petits ruminants (25).
Les femelles de Cordylobia pondent sur le sable ou des vêtements malpropres ; au bout
de t r o i s j o u r s , les l a r v e s é c l o s e n t et p e u v e n t se fixer sur les a n i m a u x qui e n t r e nt
accidentellement en contact avec elles ; elles perforent la p e a u et se logent en position
sous-cutanée. Plusieurs dizaines de larves peuvent parasiter un même animal. Le sable
souillé par l'urine et les fèces incitent les femelles de la mouche à p o n d r e en cet endroit.
L'homme lui-même est fréquemment parasité (ver d u Cayor, bien connu au Sénégal).
Cependant, l'affection ne revêt pas u n e gravité particulière. L'extirpation des larves par
pression manuelle des furoncles et un t r a i t e m e n t de p e t i t e chirurgie conduisent à une
r e s t a u r a t i o n r a p i d e de la peau. Les cas humains sont spectaculaires mais sans gravité
p a r t i c u l i è r e . Chez les a n i m a u x comme chez l ' h o m m e , il faut c e p e n d a n t c r a i n d r e les
infections bactériennes surajoutées, justiciables alors d'antibiothérapie.
Auchmeromyia luteola
Auchmeromyia luteola, de couleur b r u n j a u n â t r e , à t h o r a x strié de b a n d e s noires,
donne des larves hématophages qui sont rencontrées dans les habitations où l ' on couche
à même le sol : elles se nourrissent sur l'homme sans s'enfoncer dans la peau. On les a
surnommées vers des cases. L'affection a t e n d a n c e à disparaître.
Autres espèces
Plusieurs a u t r e s espèces de C a l l i p h o r i d a e et de Sarcophagidae sont d é t r i t i c o l e s et
pondent sur des ordures ou des excréments. Leur présence chez les animaux se produit
par ingestion fortuite. Il peut en résulter alors une myiase intestinale.
MYIASES DUES AUX OESTRIDAE
L'hypodermose résulte de l'infestation des bovins ou plus généralement de Bovidés
par des varrons, larves de mouches appartenant à la famille des OEstridae. Dans le genre
Hypoderma, deux espèces ont u n e g r a n d e r é p a r t i t i o n g é o g r a p h i q u e : H. lineatum et
H. bovis.
1065
Les mouches adultes du genre Hypoderma sont poilues et ont l'apparence d'abeilles
(Fig. 6). Elles sont actives durant la saison chaude, p é r i o d e pendant laquelle les femelles
pondent leurs oeufs sur la p a r t i e inférieure des membres des animaux. Eclosent alors des
larves qui p e r c e n t la peau, s'enfoncent dans les tissus et e n t r e p r e n n e n t une longue et
complexe migration, leur progression dans les différents tissus de l ' h ô t e étant facilitée
par la p r o d u c t i o n d'enzymes protéolytiques. Les larves de premier stade se retrouvent
dans la sous-muqueuse de l'oesophage (H. lineatum) ou le canal médullaire (H. bovis),
endroits où elles atteignent une grande taille (15 m m de long sur 2 m m de diamètre). La
migration larvaire se poursuit pour conduire finalement à une localisation dans le tissu
conjonctif sous-cutané dorso-lombaire. L'atteinte parasitaire se manifeste alors p a r des
nodules renfermant des larves, lesquelles pour leur respiration, forent u n pertuis dans la
peau. Les p a r a s i t e s r e s t e n t à d e m e u r e p e n d a n t deux à t r o i s mois d u r a n t l e s q u e l s les
larves a u g m e n t e n t c o n s i d é r a b l e m e n t de t a i l l e et p a s s e n t au s e c o n d s t a d e , puis au
troisième s t a d e l a r v a i r e . Les larves de t r o i s i è m e s t a d e , de c o u l e u r c r è m e t e i n t é e de
pigments bruns ou n o i r â t r e s , mesurent environ 25 m m de long sur 8 m m de d i a m è t r e ;
elles q u i t t e n t le tissu c u t a n é et t o m b e n t au sol p o u r la pupaison. Les mouches adultes
émergent des p u p e s au bout d ' u n à t r o i s mois, la d u r é e d é p e n d a n t de la t e m p é r a t u re
ambiante. Les adultes n e se nourrissent pas et survivent environ une semaine grâce aux
réserves accumulées pendant la phase larvaire.
H. bovis et H. lineatum, cette d e r n i è r e de taille plus p e t i t e que la première, sont des
espèces i n f é o d é e s au climat t e m p é r é de l ' h é m i s p h è r e Nord. Leur p r é s e n c e est
permanente en A m é r i q u e du Nord, en E u r o p e , en Russie, en Chine. Leur introduction
dans des pays à climat tropical, du fait de l'importation de bovins, est souvent signalée.
Quelques pays d ' A m é r i q u e latine font état d'infestation et des cas ont é t é constatés au
Nigeria. Le r a p p o r t e u r a e u l ' o c c a s i o n d ' o b s e r v e r dans la b a n l i e u e de D a k a r une
i n f e s t a t i o n sur un b o v i n p r o v e n a n t d ' E u r o p e . Toutefois, les espèces du genre
Hypoderma ne semblent pas pouvoir se maintenir longtemps en dehors des zones qui
leur conviennent écologiquement. C'est ainsi q u ' o n n e les t r o u v e pas n o r m a l e m e n t en
Scandinavie et dans les pays où l ' h i v e r est l o n g et r u d e , ni dans les pays t r è s chauds.
F I G . 6
Hypoderma bovis
(22)
1066
Cependant quelques pays antérieurement indemnes sont maintenant infestés : l'Egypte
et la frange m é d i t e r r a n é e n n e de l'Afrique du N o r d ainsi que la p a r t i e septentrionale du
s o u s - c o n t i n e n t indien. L'Afrique du Sud et l ' A u s t r a l i e sont e n c o r e indemnes, ce qui
tient sans d o u t e en grande p a r t i e au cycle saisonnier des p a r a s i t e s et à l'inversion des
saisons e n t r e les hémisphères Nord et Sud.
Les signes de l'infestation, en fin d'évolution, sont b i e n apparents : le dos, de la base
de la q u e u e j u s q u ' a u x é p a u l e s , p r é s e n t e des b o u r s o u f l u r e s f u r o n c u l e u s e s , chaque
furoncle ayant une ouverture de 3 à 4 m m qui laisse exsuder un liquide séreux ou séropurulent.
Le n o m b r e de nodules de v a r r o n sur u n animal est variable, de 1 j u s q u ' à 300
v o i r e d a v a n t a g e . Plus il y a d e n o d u l e s d ' h y p o d e r m e , plus la p e a u est t r a u m a t i s é e et
p r é s e n t e des trous. Les infections surajoutées sont fréquentes.
Les p e r t e s p r o v o q u é e s p a r l ' h y p o d e r m o s e sont souvent considérables et résultent
p r i n c i p a l e m e n t des l é s i o n s de la p e a u , sur la l i g n e du dos ; d e ce fait les cuirs sont
f o r t e m e n t d é p r é c i é s . L a d i f f é r e n c e de p r i x e n t r e u n e p e a u de q u a l i t é et u n e p e au
endommagée peut atteindre 3,40 livres sterling (24), soit environ 34 francs. S'y ajoutent
les p e r t e s de p r o d u c t i o n constatées sur les animaux infestés : la baisse de p r o d u c t i on
laitière est de 10 % à 25 % ; les p e r t e s de poids sur les carcasses d'animaux parasités sont
estimées à 3 livres par animal ; d e plus, il y a u n déclassement de la qualité des carcasses.
Les animaux a t t a q u é s p a r des mouches voulant p o n d r e sont dans u n état d'excitation
dans les prairies et peuvent faire des courses folles qui entraînent des blessures avec les
b a r b e l é s voire des chutes avec fractures. Pour le R o y a u m e - U n i , à lui seul, les p e r t es
avoisinaient, en 1977, 22 millions de dollars et à l'échelle mondiale les pertes atteignent
plusieurs centaines de millions de dollars.
Il convient de p r a t i q u e r u n traitement (2, 4) dès que des cas cliniques sont observés,
g é n é r a l e m e n t au p r i n t e m p s . Le t r a i t e m e n t consiste à a p p l i q u e r l o c a l e m e n t sur les
n o d u l e s d e v a r r o n des m é d i c a m e n t s qui p é n è t r e n t p a r le p e r t u i s puis à f r i c t i o n n er
l é g è r e m e n t . Plusieurs p r é p a r a t i o n s à base de p y r é t h r i n o ï d e s , de r o t é n o n e ou
d'organophosphorés sont utilisables, p a r exemple : r o t é n o n e en suspension à 0,5 % de
p o u d r e de r a c i n e de derris à 5 % ; v a p o r i s a t e u r à b a s e de r o t é n o n e à 1 % ; p a r m i les
o r g a n o p h o s p h o r é s , on r e l è v e le p h o s m e t , le f e n t h i o n et le f a m o p h o s . E n p é r i o de
d ' a p p a r i t i o n des nodules, o n devra r é p é t e r les t r a i t e m e n t s t o u t e s les six semaines. On
é v i t e r a l ' é c r a s e m e n t des v a r r o n s et on a d o p t e r a un t r a i t e m e n t j u d i c i e u x p o u r n e pas
provoquer des réactions anaphylactiques (3).
Le traitement systémique est plus p r a t i q u e et il est plus généralement appliqué (24).
E n plus des o r g a n o p h o s p h o r é s , l ' i v e r m e c t i n e et le c l o s a n t e l sont u t i l i s a b l e s . De
n o m b r e u s e s f o r m u l a t i o n s d ' i n s e c t i c i d e s o r g a n o p h o s p h o r é s tels que le fenthion
(7 mg/kg), le phosmet (20 mg/kg), le trichlorfon (20 mg/kg), peuvent ê t r e utilisées par
v e r s e m e n t sur la p a r t i e d o r s o - l o m b a i r e de l ' a n i m a l ( t e c h n i q u e dite pour on) ou par
application sur u n e surface réduite (technique spot on). La dose correspondant au poids
c o r p o r e l doit ê t r e a p p l i q u é e avec rigueur. L ' i v e r m e c t i n e est u t i l i s a b l e en t r a i t e m e nt
systémique à r a i s o n de 0,2 mg/kg p a r voie s o u s - c u t a n é e , de m ê m e que le c l o s a n t e l à
raison de 5 mg/kg.
L'utilisation de tous ces médicaments devra tenir compte des législations particulières
ou spécifiques dans chaque pays. E n règle g é n é r a l e , on r e s p e c t e r a rigoureusement la
posologie des insecticides et les normes de sécurité pour leur utilisation. On évitera de
t r a i t e r avec les o r g a n o p h o s p h o r é s les v e a u x de moins de t r o i s mois, les femelles en
gestation avancée et celles en post-partum. Certains médicaments qui laissent des résidus
dans le lait ou la viande seront utilisés suivant la réglementation en vigueur.
1067
Les traitements systémiques pourront être pratiqués au printemps, à l ' a p p a r i t i on des
nodules, mais il v a u t mieux faire un t r a i t e m e n t é c o n o m i q u e dès l ' a u t o m n e pour
neutraliser les larves de p r e m i e r stade et empêcher l ' a p p a r i t i o n u l t é r i e u r e de nodules
dermiques. Le calendrier de traitement doit tenir compte des migrations larvaires et on
évitera de faire des t r a i t e m e n t s systémiques dans les p é r i o d e s qui c o r r e s p o n d e n t à la
localisation des larves dans le canal rachidien.
P r e s q u e tous les pays infestés ont pris des m e s u r e s législatives p o u r limiter
l'incidence économique du v a r r o n et p o u r é r a d i q u e r la m a l a d i e dans le futur (7). Les
règles é d i c t é e s p o r t e n t sur la l i m i t a t i o n de la l i b r e c i r c u l a t i o n d ' a n i m a u x v a r r o n é s,
l'interdiction de leur exportation ou importation. Il est aussi recommandé de pratiquer
des t r a i t e m e n t s d ' a u t o m n e . Le t r a i t e m e n t généralisé à l ' e n s e m b l e des animaux d'une
province pendant plusieurs années conduit généralement à u n e r é d u c t i o n très sensible
de la p r é v a l e n c e de l ' h y p o d e r m o s e . La s é r o s u r v e i l l a n c e par t i t r a g e immunoe
n z y m a t i q u e ( E L I S A ) est u t i l e p o u r s u i v r e la s i t u a t i o n au c o u r s d ' u n p r o g r a m me
d'éradication (24).
A t i t r e expérimental, l ' a p p l i c a t i o n de la t e c h n i q u e du mâle stérile a d o n n é de bons
r é s u l t a t s dans un essai p i l o t e c a n a d o - a m é r i c a i n (9). M a l h e u r e u s e m e n t l'élevage
industriel in vitro de ces mouches n'est pas encore possible.
En plus du v a r r o n des a n i m a u x d o m e s t i q u e s , il c o n v i e n t de signaler Hypoderma
tarandi, très fréquent chez les caribous des régions à climat froid (Canada notamment)
où plus de 90 % de ces animaux peuvent ê t r e parasités (6).
L'oestrose des petits ruminants est due à Oestrus ovis qui a u n e t r è s vaste
distribution g é o g r a p h i q u e , en climat t e m p é r é comme en milieu t r o p i c a l . Les oestres
sont des mouches de couleur b r u n grisâtre, d ' e n v i r o n 12 mm, caractérisées p a r u n e t ê te
large, semi-sphérique, p r e s q u e d'égale largeur que le t h o r a x (Fig. 7). Les femelles sont
vivipares et ont un tropisme p o u r les narines des petits ruminants, surtout les moutons,
où elles p o n d e n t leurs l a r v e s sans se poser. Les l a r v e s , t r è s p e t i t e s ( e n v i r o n 2 mm),
migrent dans la cavité n a s a l e , n o t a m m e n t les sinus f r o n t a u x . A u bout d ' u n mois, en
climat c h a u d , elles a r r i v e n t à m a t u r i t é , p a s s a n t d ' u n e c o u l e u r c r è m e à u n e c o u l e ur
sombre. Elles s o r t e n t de la cavité n a s a l e , t o m b e n t au sol et se t r a n s f o r m e n t en pupes
d ' o ù s o r t i r o n t les a d u l t e s au bout de trois s e m a i n e s à d e u x - m o i s . L o r s q u e la
température le p e r m e t , trois à q u a t r e cycles se succèdent chaque année. L'importance
é c o n o m i q u e de l ' oe s t r o s e r é s u l t e des p e r t e s de p r o d u c t i v i t é des a n i m a u x i n f e s t é s.
Généralement la prévalence de l'infestation est assez élevée. A u Sénégal, les examens
ont r é v é l é que la m o i t i é des m o u t o n s et des c h è v r e s est i n f e s t é e p r e s q u e en
permanence (26). D a n s l ' A r i è g e , e n F r a n c e , u n e p r é v a l e n c e de 44 % est observée en
avril, puis de 88 % en novembre, celle-ci c o r r e s p o n d a n t aux infestations de l ' é t é (27).
Outre l ' i r r i t a t i on des sinus, u n e inflammation des méninges et du système nerveux est
quelquefois c o n s t a t é e (20). Des i n f e c t i o n s b a c t é r i e n n e s s u r a j o u t é e s peuvent
compliquer la s i t u a t i o n . L e fait de n e p a s t r a i t e r c e t t e m y i a s e n e c o n d u i t p a s p o ur
autant à u n e g r a n d e m o r t a l i t é mais le t r a i t e m e n t est dicté par les p e r t e s économiques
entraînées par l ' a g i t a t i o n des animaux infestés. La m o r t de larves dans les sinus peut
entraîner u n e inflammation s e p t i q u e p o u v a n t se p r o p a g e r au système nerveux, mais
cette c o m p l i c a t i o n est p l u t ô t r a r e . Il est p r o u v é c e p e n d a n t q u e le t r a i t e m e n t peut
augmenter la p r o d u c t i v i t é des t r o u p e a u x de m o u t o n s . D e s essais de t r a i t e m e n t faits
avec des i n s e c t i c i d e s o u des a n t h e l m i n t h i q u e s s y s t é m i q u e s , tels q u e le n i t r o x y n i l à
raison de 20 mg/kg et le rafoxanide à raison de 7,5 mg/kg, ont conduit à la guérison des
animaux au bout de deux semaines (1).
1068
FIG. 7
Oestrus ovis
(22)
On peut signaler une a u t r e espèce de la famille des OEstridae, Cephalopina titillator
qui p a r a s i t e le dromadaire ; les animaux âgés d e 2 à 13 ans sont souvent atteints en zone
aride.
MYIASES DUES AUX CUTEREBRIDAE : GENRE DERMATOBIA
La myiase due à Dermatobia hominis est é c o n o m i q u e m e n t très i m p o r t a n t e dans
b e a u c o u p de pays d ' A m é r i q u e (21). D. hominis a u n c o m p o r t e m e n t voisin de celui
d'Hypoderma. Les m o u c h e s a d u l t e s , de c o u l e u r b l e u m é t a l l i q u e , m e s u r e n t de 12 à
17 mm. D a n s ce g e n r e aussi, les a d u l t e s ont des p i è c e s buccales a t r o p h i é e s et n e se
nourrissent pas, vivant des réserves accumulées durant la vie larvaire ; l e u r longévité est
d'une à deux semaines. L'originalité de ces mouches réside dans le fait que les femelles
ne p o n d e n t l e u r s oeufs q u e sur d ' a u t r e s d i p t è r e s qui en a s s u r e n t le t r a n s p o r t et la
transmission à des hôtes vertébrés, lesquels hébergent la phase larvaire. C'est ainsi que
la femelle de Dermatobia peut p o n d r e sur de n o m b r e u s e s espèces de m o u s t i q u e s ou
d'autres mouches diptères : des masses de 30 à 40 oeufs sont déposées sur l'abdomen de
l'insecte qui sert de véhicule j u s q u ' à l ' h ô t e vertébré. Chez celui-ci, les oeufs donnent des
larves qui percent la p e a u et se logent en position dermique sans migrer et elles muent
deux fois in situ ; les larves de troisième stade quittent alors l ' h ô t e v e r t é b r é et il s'ensuit
un stade pupal d e t r o i s à cinq semaines. Les animaux parasité s sont assez divers : les
grands animaux, les rongeurs et les oiseaux ; l ' h o m m e est également parasité.
D. hominis est u n e espèce néotropicale largement distribuée dans t o u t e l'Amérique
l a t i n e , d u M e x i q u e au n o r d de l ' A r g e n t i n e , à l ' e x c e p t i o n du Chili. Sa p r é s e n c e est
signalée même en altitude, j u s q u ' à 3 000 m.
Comme dans l'hypodermose, la myiase à Dermatobia laisse de nombreuses lésions
dans la peau, ce qui déprécie les cuirs. E n outre, les animaux infestés accusent aussi une
baisse de production de lait et de viande. Les pertes sont estimées à 10 dollars par peau
abîmée et la baisse de p r o d u c t i o n l a i t i è r e p e u t a t t e i n d r e 25 %. A u Costa Rica et au
Honduras, une baisse de 30 % de la production de viande est rapportée. Pour l'ensemble
de l ' A m é r i q u e latine, le total des pertes annuelles de production dues à D. hominis est
1069
estimé à 200 m i l l i o n s de d o l l a r s . S'y a j o u t e n t les d é p e n s e s de s a n t é p u b l i q u e car
l ' i n f e s t a t i o n h u m a i n e est f r é q u e n t e chez les e n f a n t s en bas âge et les t r a v a i l l e u rs
agricoles chargés des animaux.
La d e r m a t o b i o s e est j u s t i c i a b l e des mêmes m o d a l i t é s de t r a i t e m e n t que
l ' h y p o d e r m o s e : t r a i t e m e n t local et t r a i t e m e n t s y s t é m i q u e , u t i l i s a n t des o r g a n o -
phosphorés. Les endectocides, par exemple l'ivermectine, gagneront certainement une
place i m p o r t a n t e dans la l u t t e contre cette myiase.
MYIASE DES CARNIVORES DOMESTIQUES DUE À
CUTEREBRA
C e t t e myiase est o c c a s i o n n e l l e chez les a n i m a u x d o m e s t i q u e s car les femelles de
Cuterebra pondent dans les terriers des animaux sauvages. Chiens et chats peuvent être
parasités d'avoir fréquenté ces terriers. Les larves qui éclosent au niveau des terriers sont
minuscules ( e n v i r o n 1 mm) et a t t e n d e n t un h ô t e v e r t é b r é pour se loger dans la peau.
Arrivées à maturité au bout d ' u n mois, elles mesurent alors 25 mm de long sur 10 mm de
diamètre et q u i t t e n t la p e a u p o u r e n t r e r en p u p a i s o n . Les c a r n i v o r e s d o m e s t i q u es
parasités p r é s e n t e n t des n o d u l e s au niveau du t h o r a x ou du cou et se lèchent
fréquemment du fait de l ' i r r i t a t i o n . Pour ne pas e n t r a î n e r de r é a c t i o n anaphylactique,
étant donné la grosseur des larves, il faut éviter l'extirpation par pression mécanique et
préférer une exérèse chirurgicale.
MYIASES DUES AUX GASTEROPHILIDAE
Plusieurs espèces de Gasterophilus sont connues, aussi bien dans les régions à climat
tempéré que dans les zones subtropicales et même tropicales. Les mouches adultes sont
velues et ressemblent à des bourdons (Fig.
. Les pièces buccales sont atrophiées et, ici
encore, les mouches adultes n e se nourrissent pas et vivent environ deux semaines. Les
larves de g a s t é r o p h i l e s sont p a r a s i t e s o b l i g a t o i r e s des E q u i d é s (cheval, â n e , mulet,
zèbre). Chaque espèce de gastérophile semble avoir un comportement particulier vis-àvis
de son h ô t e quant au lieu de p o n t e sur le corps et la localisation des larves. Ainsi,
G. intestinalis dépose ses oeufs plus p a r t i c u l i è r e m e n t sur les m e m b r e s a n t é r i e u r s des
Equidés et sur les épaules. Les larves éclosent au bout d ' u n e semaine sous l'effet d'un
léchage r é p é t é ; p u i s avalées, elles s é j o u r n e n t dans la m u q u e u s e buccale e n v i r o n un
mois avant de passer dans l'estomac où elles se fixent sur la muqueuse du cardia ou du
pylore. G. nasalis préfère p o n d r e dans la région sous-maxillaire et, après une évolution
buccale, les larves se fixent sur la p a r t i e a n t é r i e u r e de l'intestin grêle. La pupaison se fait
dans le milieu externe, après l'expulsion des larves de troisième stade.
Les mouches g a s t é r o p h i l e s , p e n d a n t leur saison de ponte, dérangent
considérablement les chevaux qui deviennent nerveux. Lorsque les larves sont dans la
muqueuse b u c c a l e , on p e u t c o n s t a t e r des signes de s t o m a t i t e et des difficultés de
mastication. L'infestation gastro-intestinale passe souvent inaperçue. La prévalence est
cependant assez élevée, comme cela a é t é constaté au Maroc où 95 % à 97 % des ânes
sont infestés (19). D e s u l c é r a t i o n s sont f r é q u e m m e n t observées dans les b o u c h e r i es
chevalines sur la muqueuse des chevaux examinés : j u s q u ' à 43 % en I r l a n d e (23).
Un traitement efficace peut ê t r e pratiqué en utilisant le trichlorfon, le mébendazole à
10 mg/kg ou encore l'ivermectine. Il faut de préférence un seul traitement dans u n climat
1070
FIG. 8
Gasterophilus intestinalis femelle
(22)
t e m p é r é , à l ' e n t r é e de l'hiver q u a n d les p r e m i è r e s gelées ont éliminé les gastérophiles
a d u l t e s . L o r s q u e les l a r v e s sont e x p u l s é e s dans les fèces, il faut p r e n d r e soin de les
détruire pour être sûr qu'elles n e vont pas hiverner car les médicaments utilisés p o u r les
combattre peuvent avoir eu un effet vermifuge rapide sans tuer réellement ces larves.
CONCLUSION
Quelques myiases ont é t é présentées dans ce rapport. Ce sont les principales ou les
plus importantes sur le plan économique mais il y e n a bien d'autres, occasionnellement
signalées dans la l i t t é r a t u r e . Les myiases entéritiques et urogénitales peuvent ê t r e dues
à nombre d'espèces parasitant de façon facultative l'homme ou les animaux. Elles sont
de moindre importance mais toujours spectaculaires. Les grandes myiases traumatiques
ou furonculeuses occasionnent d'énormes pertes de production et de grandes dépenses
pour les opérations de lutte intégrée (management intégré des pestes). Maintenant que
les t r a n s p o r t s aériens peuvent en quelques heures déplacer des insectes d ' u n continent à
un a u t r e , il convient d'avoir une m e i l l e u r e s u r v e i l l a n c e des f r o n t i è r e s et des
d é p l a c e m e n t s d ' a n i m a u x . L ' h o m m e lui-même p e u t t r a n s p o r t e r une myiase d'un
continent à u n autre. La d é t e r m i n a t i o n précise des larves myiasigènes et des mouches
a d u l t e s qui e n sont à l ' o r i g i n e est affaire de s p é c i a l i s t e . Q u a n d on c o n s t a t e p o u r la
première fois u n e myiase dans u n pays ou dans une région, il faut avec diligence e n faire
la d é t e r m i n a t i o n et p r e n d r e les mesures d'éradication pour éviter sa p r o p a g a t i o n . Les
Services vétérinaires doivent rester très vigilants à l'égard des parasitoses, a u même titre
que pour les grandes épizooties bactériennes et virales.
*
* *
1071
Summary: A simplified list of the principal Diptera capable of causing myiasis
is followed by a brief presentation of the biology, lesions inflicted, and methods
of treatment and control of the myiases of economic importance.
Cochliomyiasis caused by Cochliomyia hominivorax is of greatest interest, in
view of the damage and losses caused by this disease. A brief account of the
outbreak of infestation in Libya illustrates the danger of this parasite. Other
important traumatic myiases are described: that due to Chrysomya bezziana,
which causes an African myiasis similar to cochliomyiasis, and those due to
Lucilia cuprina and related species. Hypodermosis (warble fly infestation) and
oestrosis (nasal bot fly infestation in sheep) still cause major economic losses
in domestic animals, justifying their inclusion in control campaigns. The same
applies to stomach botflies of the family Gasterophilidae. The account of each
myiasis includes notes on parasiticides which have been found to be effective.
Given the rapidity with which a parasite can now be transported from one
continent to another, it is important for Veterinary Services to be well-informed
and vigilant.
KEYWORDS: Biology - Chrysomya bezziana - Cochliomyia hominivorax -
Cordylobia - Diptera - Economics - Eradication - Gasterophilus -
Hypoderma - Lucilia - Myiases - Oestrus - Parasiticides - Parasitoses.
* *
LAS MIASIS ECONÒMICAMENTE IMPORTANTES. - S.M. Touré.
Resumen: El autor establece un inventario simplificado de los principales
dípteros capaces de provocar miasis, al que agrega unos resúmenes sobre la
biología, la patología inducida y los medios de tratamiento y de lucha contra las
miasis económicamente importantes. La miasis producida por Cochliomyia
hominivorax (gusano barrenador) ocupa el primer lugar de este conjunto, tanto
por su patología como por las pérdidas económicas que resultan de su acción.
Una breve crónica de la infestación de Libia sirve de ilustración del peligro que
representa este parásito. Se describen otras miasis traumáticas: la provocada
por Chrysomya bezziana, miasis africana emparentada con la miasis por
C. hominivorax, y las provocadas por Lucilia cuprina y especies cercanas. La
hipodermosis y la miasis causada por Oestrus ovis de los animales domésticos
causan todavía pérdidas económicas importantes que justifican que se las tenga
en cuenta y se arbitren los medios de lucha pertinentes. Lo mismo cabe decir
acerca del parasitismo causado por los Gasterophilidae. El estudio de cada
miasis incluye unas notas sobre los parasiticidas considerados eficaces. Dada la
rapidez con que un parásito puede ser transportado en la actualidad de un
continente a otro, es importante que los Servicios veterinarios de todos los
países estén bien informados y mantengan su vigilancia.
PALABRAS CLAVE: Biología - Chrysomya bezziana - Cochliomyia
hominivorax - Cordylobia - Dípteros - Economía - Erradicación -
Gasterophilus - Hypoderma - Lucilia - Miasis - Oestrus - Parasiticidas -
Parasitosis.
* *
MYIASES OF ECONOMIC IMPORTANCE. - S.M. Touré.
1 0 7 2
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