L'animal rendu à son mystère. "Les Droits des animaux", de Tom Regan
Florence Burgat (philosophe)
La philosophie morale américaine n'a pas bonne presse en France lorsqu'elle s'applique aux animaux. Elle est caricaturée à l'envi, grossièrement simplifiée quand elle n'est pas vilipendée, tout cela par des philosophes eux-mêmes. N'y parle-t-on pas de "libérer les animaux", de leur donner des "droits" - et puis quoi encore ? Il est vrai que sa très grande technicité et son aridité rendent sa lecture exigeante.
Mais tout chercheur impliqué dans la "question animale" sait qu'un livre compte parmi les plus importants : The Case for Animal Rights ("Plaidoyer pour les droits de l'animal"), de Tom Regan, paru en 1983, puis en 2004 assorti d'une longue préface. Nul n'avait osé se lancer dans l'immense entreprise que constitue la traduction de l'ouvrage fondateur de la théorie des droits des animaux, antagoniste à bien des égards de celle, utilitariste, de l'Australien Peter Singer (La Libération animale, Grasset, 1993). Il fallait que ce fût un excellent connaisseur de ce champ, par ailleurs animé d'une détermination au long cours qui s'en chargeât : Les Droits des animaux est une analyse serrée qui s'étend sur 750 pages.
En traduisant cet opus magnum, Enrique Utria fournit au débat français une contribution inestimable à plusieurs titres. Non seulement il ne sera plus possible, sauf à se couvrir de ridicule, de caricaturer cette pensée si patiente dans ses démonstrations, mais encore, en donnant accès à la théorie à ce jour la plus élaborée des droits des animaux, En...